PARLER POUR SE SOIGNER

Publié le par Arnaud

 

 

 

 

 

Pourquoi est-ce si difficile ?

 

 

 

 

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        Parce qu’il faut rester performant, ne pas montrer de faiblesses dans "cette jungle qu’est la société" (Vic, commentaire dans Parler librement). Celui qui n’est pas productif, dans nos sociétés modernes occidentales, est considéré comme le vilain petit canard qu’on acceptera de prendre en charge par charité mais qu’on maudira secrètement parce qu’il ne participe pas à l’effort général.

 

       Parce qu’on se dit que "il y a toujours pire que soi et que notre mal-être n’est pas légitime" (Flop, commentaire dans Parler Librement). Certaines personnes manifestent leur souffrance psychique par des symptômes visibles qui seraient autant de preuves leur conférant une certaine légitimité lorsqu’elles souhaitent en parler. Et ceux qui ont refoulé leur souffrance devraient attendre l’explosion de celle-ci vers l’extérieur pour avoir le droit d’en parler.bombe-humaine.jpg

 

       Parce que « la qualité et la maturité de l’écoutant » ne sont pas toujours au rendez-vous (Dominique, commentaire dans Parler librement).  Il est vrai que le niveau d' empathie est différent d'un individu à l'autre.  La plupart du temps, les personnes à qui l’on parle de nos difficultés les minimisent, nous donnent leur point de vue, « la » solution, nous rassurent… bref, mettent en place tout un arsenal de mécanismes inconscients pour se défendre face à cette difficulté qui consiste à faire face aux problèmes psychiques ("J'ai déjà du mal à gérer les miens, alors ceux des autres..."). Cependant, certaines personnes sont en mesure d’ écouter, d’ être attentif , parfois même de  comprendre (bien que ce ne soit pas le plus important ici) avec nous ce qui se passe et qui nous fait souffrir.

 

 

 

 

 

Pourquoi est-ce indispensable ?

 

 

 

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       En France, une personne sur cinq consommerait des médicaments psychotropes chaque année d’après l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies qui précise : anxiolytiques (7%), hypnotiques (7%) et antidépresseurs (6%). A cela viennent s’ajouter les antipsychotiques (environ 3%).

 

 

       Parce qu’il faut rester productifs, parce que nous ne parlons pas de nos difficultés tant qu’elles ne nous ont pas submergés et parce qu’il est difficile de trouver l’empathie dont on a besoin, nous nous taisons en attendant que l’orage passe. Et lorsque nous prenons finalement la décision d’en parler, c’est que cette souffrance s’est déjà transformée en maladie. Alors, les médecins n’hésitent pas à prescrire pour nous soulager. Et effectivement, les médicaments soulagent efficacement pendant plusieurs jours, plusieurs semaines voire plusieurs mois. Mais ils ne font que dissimuler un symptôme (anxiété, tristesse, troubles du sommeil, délire…) qui n’est que la partie visible de l’iceberg. Lorsque le médecin prendra finalement la décision d’arrêter le traitement, il y a fort à parier que l’usager ressentira à nouveau ce symptôme après quelque temps. Car en aucun cas nous n’avons soigné la maladie.

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           Faisons le parallèle avec un vulgaire rhume (ou rhinopharyngite, c'est le terme pour "ceux qui savent"). Lorsque nous nous rendons chez le médecin parce que nous avons mal à la tête, le nez bouché et la gorge irritée, celui-ci sort son artillerie : pulvérisateur nasal, buccal et paracétamol. Mais rien de tout cela ne sert à guérir le rhume. C’est notre corps, seul, qui peut combattre le virus. Les médicaments prescrits nous permettent uniquement de rester performants en dissimulant les symptômes pendant que le corps combat la maladie. La seule et unique aide que nous puissions véritablement apporter à notre corps, c’est le repos (et de l'eau pour draîner tous les déchets) !!

 

 

       Eh bien, la seule et unique aide que nous puissions véritablement apporter à notre  psychisme est le langage !! (quoiqu'une bonne dose de repos n'est pas négligeable non plus... quant à l'eau, je n'ai pas d'avis sur la question !). Jamais un médicament seul ne pourra soigner un trouble. Le médicament, en dissimulant un symptôme génant, aide la personne malade à parler de sa souffrance et à mettre en place un travail psychique autour de celle-ci. Mais c’est là sa seule utilisation possible dans le processus de guérison.

 

       Il n’est pas question ici de faire l’apologie de la psychothérapie et de pousser tout le monde à aller voir un « psy ». N'importe qui peut être aidant à partir du moment où il sait écouter. Il est simplement nécessaire de se rappeler que parler est le seul moyen de ne pas développer ou aggraver un trouble psychique sévère.

 

       Et à la question « peut-on parler librement du fait qu’on ne peut parler librement des soucis de la vie » (Anonyme, commentaire dans Parler librement) ? (amusante bien que peu constructive). La réponse ne fait pour moi aucun doute : oui !!! Sinon à quoi bon visiter des sites comme celui-ci ?

 

 

 

 

 

 

Commentaires

Finalement, est-ce qu'on ne pourrait pas penser qu'il en va de l'essentiel des maladies virales et des maladies psychiques, à savoir que c'est l'injonction à la productivité qui nous rend malade, et que seul le repos soigne réellement. Finalement parler, n'est-ce pas juste prendre le temps à plusieurs de ne pas être productif?

Le fait que la France est un des plus gros consommateur de médicaments et en même temps un des pays les plus productifs au monde tenderait à le démontrer non?

Commentaire n°1 posté par Karmai le 26/02/2012 à 18h09

Yo ! Parler pourquoi pas ? L'inconscient n'accepte de se découvrir que dans la relation à l'autre, tout à fait d'accord. Mais encore faut-il accepter et admettre que les choses ne vont pas comme elles devraient et que l'on souffre. Si l'act premier ne vient pas de la personne elle-même. Il me semble extrêmement difficile de faire parler les gens de leurs douleurs les plus profondes. Rares sont ceux qui se livrent sans retenues, et lorsque c'est le cas, je me demande si ce n'est pas aussi un problème. 

Commentaire n°2 posté par Neurozebre le 26/02/2012 à 22h57

Y'a un bouquin de Charles Melman qui aborde le sujet mais je ne l'ai pas lu.

"Parler pour se soigner", oui, encore qu'on pourrait s'interroger sur l'idée de "se soigner" : les maladies mentales sont-elles bien des maladies, ou ne sont-elles pas plutôt des résultantes de structures psychiques inadaptées à telle ou telle société ? 

En tout cas, à coté de la surconsommation médicamenteuse se structure toute une psychiatrie/psychothérapeutique que j'appellerais "capitaliste", qui nie totalement la question de la structure, du langage et donc de l'inconscient, au profit d'une rentabilité thérapeutique : réduire ou endormir le symptôme pour rendre au sujet sa productivité.

Indiscutablement, s'oppose en ce début de XXIe siècle la psychanalyse et ses avatars, aux TCC et référenciels thérapeutiques issus du DSM. Et il faudra bien choisir !

Commentaire n°3 posté par HB le 01/03/2012 à 20h29

Publié dans Des a priori

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T
<br /> parler sans tabous c'est une vrai guérison comme si une boule plein de dechet qui sor de quelque part de notre organisme et c'est pas donné a tout le monde<br />
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H
<br /> Y'a un bouquin de Charles Melman qui aborde le sujet mais je ne l'ai pas lu.<br /> <br /> <br /> "Parler pour se soigner", oui, encore qu'on pourrait s'interroger sur l'idée de "se soigner" : les maladies mentales sont-elles bien des maladies, ou ne sont-elles pas plutôt des résultantes de<br /> structures psychiques inadaptées à telle ou telle société ? <br /> <br /> <br /> En tout cas, à coté de la surconsommation médicamenteuse se structure toute une psychiatrie/psychothérapeutique que j'appellerais "capitaliste", qui nie totalement la question de la structure, du<br /> langage et donc de l'inconscient, au profit d'une rentabilité thérapeutique : réduire ou endormir le symptôme pour rendre au sujet sa productivité.<br /> <br /> <br /> Indiscutablement, s'oppose en ce début de XXIe siècle la psychanalyse et ses avatars, aux TCC et référenciels thérapeutiques issus du DSM. Et il faudra bien choisir !<br />
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N
<br /> Yo ! Parler pourquoi pas ? L'inconscient n'accepte de se découvrir que dans la relation à l'autre, tout à fait d'accord. Mais encore faut-il accepter et admettre que les choses ne vont pas comme<br /> elles devraient et que l'on souffre. Si l'act premier ne vient pas de la personne elle-même. Il me semble extrêmement difficile de faire parler les gens de leurs douleurs les plus profondes.<br /> Rares sont ceux qui se livrent sans retenues, et lorsque c'est le cas, je me demande si ce n'est pas aussi un problème. <br />
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K
<br /> Finalement, est-ce qu'on ne pourrait pas penser qu'il en va de l'essentiel des maladies virales et des maladies psychiques, à savoir que c'est l'injonction à la productivité qui nous rend malade,<br /> et que seul le repos soigne réellement. Finalement parler, n'est-ce pas juste prendre le temps à plusieurs de ne pas être productif?<br /> <br /> <br /> Le fait que la France est un des plus gros consommateur de médicaments et en même temps un des pays les plus productifs au monde tenderait à le démontrer non?<br />
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